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- Voyages d'Ecrits -
11 décembre 2016

Comptes à rebours - 09...

georges 1

Mise à jour : 12 juin 2017.

9

 

Galamment le jeune homme attrapa l’un des sacs d’Émilie et conduisit la jeune femme hors du labyrinthe souterrain. Quand ils furent parvenus à l’air libre, elle le vit marquer un temps d’arrêt, comme s’il ne savait pas quelle direction choisir.

—   Alors, on va où ? le questionna-t-elle curieuse de visiter Paris by night, même si ce n’était encore que l’evening.

—   Où est le plaisir de la surprise si je vous le dis ?

Émilie sourit. Elle n’était pas dupe. Elle saisit le bras qu’il lui tendait et se laissa entraîner de bonne grâce. Son aménité commençait à la séduire. Discutant avec gaieté, ils en vinrent à se tutoyer. Ils arrivèrent rapidement devant Beaubourg. Il lui expliqua avec emphase qu’il s’agissait du Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou, gros bâtiment tubulaire en acier, verre et béton, joyau du bâtiment polyculturel à la française des années 70. Rival en collections d’art moderne du MOMA de New York et de la Tate Gallery de Londres, ce musée pouvait s’enorgueillir d’accueillir, de mémoire, plus de cent mille œuvres réalisées par près de six mille quatre cents artistes, ce qui en faisait la première place artistique d’Europe. Parvenu au bout de ses connaissances sur l’endroit, il lui suggéra d’aller lire Wikipédia pour en savoir plus. Décidément, il était charmant et amusant à lui offrir en sus ses services de guide touristique. Elle répondit, un brin moqueuse :

—   Sympa, mais sache que les raffineries de pétrole et moi ça fait deux ! Et puis je trouve que c’est un bâtiment qui fait semblant, c’est une parodie de la technologie.

À cette phrase empruntée à Renzo Piano, l’un des trois architectes retenus pour construire Beaubourg, elle sentit son compagnon se raidir un peu. Il connaissait évidemment la citation et en avait saisi le sous-entendu. Le visage du jeune homme se piqua d’un léger rouge malgré son teint mat et Émilie devina l’avoir pincé. Elle se demandait si elle n’était pas allée trop loin, lorsqu’il répliqua :

—   Ben puisque tu en sais autant que moi, je vais t’emmener chez Georges...

—   On va chez un ami à toi ? Amusant, pour un premier rendez-vous, le coupa-t-elle de façon légère, jouant à son tour la pièce qui naissait entre eux et endossant le costume de la touriste.

—   Mais non ! C’est pas un pote. C’est le nom du bar sur le toit de la raffinerie.

—   Aaaah ! C’est chouette ça. Au fait, moi c’est Émilie, et toi ?

—   Bonde, Malik Bonde. Je te jure que c’est vrai.

Émilie ne put s’empêcher de pouffer à ces mots. Ce nom d’agent secret venait de rompre la légère tension qui avait failli s’installer entre eux. Elle se détendit.

—   Je te crois. C’est très… original, rit-elle encore.

Ils émergèrent sur la place face au centre Pompidou. Émilie trouva ce dernier d’une laideur absolue. Rectangulaire, massif, il était tout ce qu’elle détestait dans la façon qu’avait l’homme de s’imposer à la nature. Aucune finesse architecturale, selon elle ; rien qui lui évoquât autre chose qu’une prison de verre. Mais c’était de l’art. Combien d’horreurs avait-elle vu fleurir de-ci, de-là sur des ronds-points, des places, des esplanades, des quais, des parcs, tout ça au nom de l’art ? Émilie songea qu’elle n’était, peut-être, tout simplement pas sensible à une certaine expression architecturale.

Malik la conduisit vers l’escalier mécanique extérieur qui leur permit de dépasser les différents niveaux de l’édifice jusqu’à la terrasse. Lors de la montée, il parla de tout et de rien, juste pour meubler. Émilie l’écoutait d’une oreille distraite en s’abîmant dans la contemplation de la capitale qu’elle découvrait sous un nouvel angle, teintée de ces roses et orangés qui paraient le ciel peu à peu. Elle voulait garder en mémoire cette image de carte postale, sublime et imprévue. Le charme se rompit lorsqu’ils arrivèrent devant un sas de verre. Un videur à la carrure impressionnante leur ouvrit, sans un mot et avec une ombre de sourire de bienvenue au coin des lèvres.

Une jeune fille, qui ne devait pas être âgée de plus de vingt ans, les accueillit de façon sobre et efficace, avec un sourire convenu :

—   Deux personnes ? Pour boire un verre ou pour dîner ? À l’intérieur ou à l’extérieur ?

Son accent de l’Est plut beaucoup à Émilie qui se sentit totalement dépaysée. Elle passa près de Malik qui lui tenait la porte et l’entendit répondre :

—    Boire, dans un premier temps, et plus si affinités… Nous resterons à l’intérieur, il commence à faire frais, mais si vous aviez une table proche de la terrasse et exposée face à la tour Eiffel, ce serait parfait.

Émilie resta interdite quelques instants après les mots « et plus si affinités », dont la connotation suggestive était évidente. Elle ne releva pas, flattée d’être l’objet de convoitise d’un inconnu, à peine débarquée dans la capitale. Elle remarqua qu’il jeta un coup d’œil rapide à sa montre. Un rendez-vous après elle ? Un coup de fil à passer ? Elle préféra ne pas y accorder d’importance. Elle n’avait pas envie de laisser gâcher sa soirée par des broutilles parasites. De plus, il était normal que Malik ait d’autres sollicitations ; il avait certainement pas mal d’amis et elle, nouvelle venue dans sa vie, ne pouvait pas exiger de lui une exclusivité totale au cours d’une soirée probablement sans lendemain. Que c’était pénible de ressentir toujours cette pointe de jalousie, ce besoin d’être l’unique centre d’attention d’une personne que l’on trouve intéressante, que l’on veut découvrir davantage, et chez qui l’on espère percevoir, en écho à ses propres espoirs, la possibilité d’une relation plus profonde que la simple « connaissance » ! Mais Émilie connaissait la cause de ces sentiments. Elle avait tellement besoin de reprendre pied, de retrouver ses repères, de recréer autour d’elle des liens d’importance pour réparer tout le mal qu’elle avait enduré ! Elle ne pouvait que lutter contre cela en optant pour une attitude en apparence calme et détachée.

Pénétrant dans la salle immense aux murs transparents, la jeune femme fut subjuguée par la beauté du lieu.

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Pour en savoir plus sur Comptes à rebours, c'est par ICI.

Pour en savoir plus sur le travail autour de Comptes à rebours, c'est par ICI.

 

georges 3

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